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L'ASMSN, le CDH et les entrepôts

Article issu de Nature Actualités n°83 (2001)

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Les entrepôts ( que le terme " logistique " ou " logistic " - on attend " logistiK " - essaie de rendre attrayants) sont de vastes hangars où sont stockées ces marchandises que la publicité veut nous persuader être indispensable à l'homme et à la femme " moderne " !. Les urbanistes les nomment " boîte à chaussures " : ils ont dans le paysage la grâce d'un seau hygiénique dans un salon. Ces hangars, qui entassent tout et n'importe quoi, peuvent aussi constituer, si on n'y prête pas une grande attention, de véritables dangers notamment d'incendies gigantesques. Le flot des camions qui y arrivent des usines et qui en repartent vers les commerces créent l'encombrement de nos routes sans véritable avantage économique pour nos collectivités car ces boites à chaussures ne créent que peu d'emplois et de médiocres qualités.

Or, Depuis quelques années, il ne se passe plus un conseil départemental d'hygiène (CDH) sans que nous n'ayons à examiner 2 ou 3 nouveaux projets d'entrepôts par mois quand il ne s'agit pas de régularisations (ce qui signifie qu'on construit, qu'on commence à exploiter et qu'ensuite seulement on se concerte avec l'administration alors que les problèmes liés au transport routier, par exemple, ne sont généralement pas résolus !)

Il n'est plus rare d'examiner des projets gigantesques de 10 à 15 ha couverts, divisés en plusieurs cellules à cause des risques d'incendie.

Les projets se concentrent dans les départements de la grande couronne, Essonne et Seine-et-Marne qui disposent d'espace et de villes nouvelles qui ne demandaient, jusqu'à présent, qu'à les accueillir et d'infrastructures routières telles la francilienne.

Depuis 3 ou 4 ans nos représentants au CDH réclament une réflexion globale en Ile-de- France et en Seine-et-Marne car le risque est grand de voir des constructions rester inoccupées et de consommer des espaces naturels ou agricoles inutilement. Les promoteurs sont les premiers concernés mais, une fois construit, un entrepôt aura participé à l'urbanisation et c'est donc une portion de notre territoire qui deviendra (mal) aménagée.

Les principaux problèmes posés sont : - le risque d'incendie : il brûle des centaines d'entrepôts par an en France. Les incendies peuvent durer jusqu'à une semaine. C'est déjà arrivé. La gravité de l'incendie dépend des caractéristiques des produits stockés ; ainsi il peut-être risqué d'habiter à proximité d'un entrepôt ; - l'imperméabilisation des sols, compensée par des bassins de rétention mais un sol bitumé reste un sol bitumé, il ne vit plus ; - l'atteinte au paysage : ces boites à chaussures bardées de tôles sont d'une esthétique discutable et difficile à cacher ; - la noria des camions qui les approvisionnent et les délestent. Il n'est pas rare qu'un entrepôt entraîne une augmentation du trafic routier de 500 camions par jour. Pour une base logistique ce sont donc des milliers de camions qui circulent tous les jours créant une pollution très importante ainsi que les embouteillages que nous connaissons sur la francilienne ou ailleurs. Il n'est pas rare de doubler deux files de camions sur une longueur de plusieurs kilomètres. Question : qui paye l'élargissement ou la création de voiries et infrastructures nouvelles ? - la transformation radicale de l'aménagement du territoire et le changement de nos modes de vie.

L'ASMSN demande un moratoire et l'interdiction de toute nouvelle construction d'entrepôts tant qu'une réflexion globale n'aura pas eu lieu. Un état des lieux est nécessaire comptabilisant les surfaces et les volumes existants, vides ou occupés. Des prévisions fiables qui correspondent à des besoins réels sont indispensables avant de continuer à construire. Afin de prendre en compte les problèmes liés au PDU, nous demandons aussi l'interdiction des bases logistiques non-reliées à un embranchement avec le chemin de fer ou à une voie fluviale et que ces autres modes de transport soient réellement utilisés dans les faits et ne restent pas des hypothèses d'école. A force de poser tout ces problèmes devant le CDH et d'en discuter avec le préfet et les demandeurs, nos questions sont souvent relayées par d'autres membres du CDH qui commencent à partager nos inquiétudes. Il n'est pas sûr que les prochains projets d'entrepôts recueillent facilement un avis favorable des seront votés par les membres du CDH. * * *

Quelques anecdotes et informations complémentaires

- les entrepôts sont des produits financiers souvent construits par des promoteurs qui n'en connaissent pas la destination future. Quels types de produits seront stockés ? Il est difficile d'établir de normes de construction et d'incendie pour assurer la sécurité des employés et des habitants. Question : comment faire quand un entrepôt autorisé pour certains produits change de destination, parfois sans que les services du préfet en soient informés ?

- Les grands transporteurs et les bases logistiques sont liés et souvent filiales les uns des autres. Ce ne sont donc pas uniquement les consommateurs (ils ont bon dos !) qui demandent les entrepôts mais aussi les transporteurs qui leur proposent avec le mode de consommation correspondant.

- La durée de vie des entrepôts n'est pas infinie. Que deviendront-ils quand ils seront obsolètes ? On nous a cité un cas d'entrepôt transformé en local scolaire. Et on nous a dit que leurs dimensions pouvaient permettre leur transformation en usine par exemple.

- Les entrepôts ne sont plus seulement des lieux de stockage mais des lieux où l'on intègre de la valeur ajoutée sous forme de packaging, groupage … Ils permettent de travailler à flux tendus, ce qui permet aux revendeurs d'avoir extrêmement peu de stocks.

- On nous a dit que la logistique actuelle diminue les embouteillages car un seul camion venant de la centrale d'achat suffit à livrer un magasin au lieu d'une multitude de camions qui livreraient des produits de provenance différentes. Il reste à prouver qu'on économise bien globalement des gaspillages d'énergie.

- Enfin il est certain qu'ils accompagnent notre mode de vie qui fait que nous avons à peu près tous en tête de jouir le jour même ou le lendemain de l'objet de nos rêves : machine à laver, télévision … Mais une question est permise : est-ce bien ça l'objet en question mérite t'il vraiment qu'on en de nos rêves ?

Dans ce monde de compétition, de marchés concurrentiels, nous sommes à la fois les voyous et les victimes.

Christine GILLOIRE

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